Dans cette interview exclusive, Catherine T., responsable d’un programme d’innovation au sein d’un grand groupe bancaire français. Elle nous dévoile les coulisses de cette initiative innovante et partage des insights précieux sur la collaboration entre une grande entreprise et des startups ; ainsi que des conseils pratiques pour aider les PME à développer leur stratégie d’innovation.
Q: Pouvez-vous nous présenter le programme d’innovation et expliquer pourquoi votre entreprise a décidé de lancer cette initiative ?
R: Ce programme a été lancé à une époque où notre groupe cherchait à accélérer sa transformation digitale. Notre filiale américaine collaborait déjà avec un partenaire technologique en Californie, ce qui a naturellement influencé le lancement de cette initiative. L’objectif était de répondre aux demandes croissantes des clients, de rester compétitif, de réduire le temps de commercialisation et de créer de la valeur avec de nouvelles offres. Par exemple, pour développer le concept de “beyond banking”, qui vise à proposer des services au-delà des produits financiers traditionnels, l’open innovation est un outil idéal.
Q : Comment ce programme s’intègre-t-il dans la stratégie d’innovation globale du groupe ?
R: L’innovation dans notre groupe peut prendre de multiples facettes, qui vont du développement d’offres innovantes en interne, de la collaboration avec des startups, en allant jusqu’à des processus de fusions-acquisitions. Le programme s’inscrit dans le deuxième volet, facilitant les collaborations avec les startups.
Par son positionnement de hub de transformation et d’innovation transverse et au service de l’ensemble des entités du groupe, le programme collabore avec tous les pôles d’innovation de l’ensemble des activités : assurance, immobilier, banque de détail, banque corporate, leasing, solutions de paiement, etc. Nous soutenons ces pôles en leur fournissant une veille sur le marché, une capacité de sourcing des meilleures startups et une méthodologie pour réaliser des pilotes dans un cadre adapté, aussi bien contractuellement que physiquement. L’objectif est ensuite de passer à l’échelle.
Q: Quels critères utilisez-vous pour sélectionner les startups innovantes ?
R: Nous évaluons plusieurs aspects : le produit, la technologie associée, la traction sur le marché, l’équipe, les investisseurs, et le potentiel de croissance. Nous proposons généralement 2 ou 3 startups à nos équipes internes, qui rencontrent ensuite ces startups pour vérifier l’adéquation. Le “feeling” joue aussi un rôle important. Si notre équipe a souvent un avis sur la startup, c’est le métier qui collaborera avec la startup qui reste le décideur final.
Q : Comment facilitez-vous la collaboration entre les équipes internes et les startups ?
R: Nous jouons un rôle de pont entre les startups et les différents services du groupe. Nous regardons plus de 300 startups par an, en suivons environ 50 à 60 startups par an, dont 5 à 10 auront la chance de passer en phase pilote.
Notre méthodologie pour mener un pilote est rigoureuse. Pour pouvoir effectuer un pilote, nous avons des pré-requis à remplir, que ce soit côté startup ou côté groupe. Nous accompagnons ensuite le pilote tout au long du processus. Cette méthodologie, qui intègre notamment un suivi rapproché, des entretiens normés et des workshops obligatoires est mise en place pour s’assurer que le projet aboutisse.
Q : Quels sont les principaux défis rencontrés lors de l’intégration des innovations des startups ?
R: Les principaux défis sont liés à la durée des processus, et la notion de temps qui n’est pas la même entre un grand groupe et une startup. Les contraintes légales, réglementaires, informatiques et les exigences en termes de sécurité amènent à un processus d’intégration qui peut prendre du temps. Quoi qu’il en soit, participer à cette initiative représente un label de qualité pour les startups, ce qui facilite leur acquisition d’autres clients.
Q : Pouvez-vous nous donner un exemple concret d’une innovation adoptée avec succès ?
R: Un excellent exemple est une solution data-driven pour mesurer, piloter et automatiser la décarbonation des systèmes IT. Nous l’avons accélérée en 2022. Après un processus d’appel d’offres et un pilote réussi, nous sommes en cours de négociation pour un contrat-cadre. La collaboration a débuté en janvier 2023 avec notre banque de détail et s’est étendue à plusieurs entités du groupe. La collaboration est véritablement un succès et correspond complètement aux enjeux de décarbonation du groupe.
Q : En quoi ce programme d’innovation aide-t-il le groupe à rester compétitif dans un environnement financier en constante évolution ?
R: Il nous permet d’introduire rapidement des innovations cruciales, comme cela a été le cas avec des solutions pour améliorer la visibilité du cash-flow ou déployer l’assurance cyber. Ces collaborations nous donnent une vision des tendances futures, nous aident à anticiper les changements, et à rester compétitifs.
Q: Quelles leçons les PME pourraient-elles tirer de votre expérience pour leur propre démarche d’innovation ?
R: Les principes que nous appliquons sont tout aussi valables pour les PME. Il est crucial de bien cadrer ses attentes, de définir ce qu’on veut faire à court, moyen et long terme, et de déterminer ce qu’on veut internaliser ou externaliser. Il faut se concentrer sur son cœur de métier et chercher des partenariats pour le reste. Tester avec des startups avant d’internaliser peut être une bonne stratégie. Enfin, la veille est essentielle pour détecter les tendances et anticiper les changements.
Q: Quels conseils donneriez-vous aux PME qui souhaitent mettre en place une stratégie d’innovation ?
R: Je recommanderais de travailler avec un partenaire qui peut les aider à choisir les bonnes startups, comme nous le faisons. Il faut rester ouvert d’esprit mais aussi apprendre à décoder le monde de l’innovation et des startups, dont les codes ne sont pas les mêmes que celles d’un grand groupe ou d’une PME. Il est crucial d’être vigilant, de suivre de près les collaborations avec des points réguliers, et d’être attentif aux signaux d’alerte comme les retards ou le manque de transparence.
Une autre option à explorer est les partenariats avec d’autres acteurs de votre écosystème pour collaborer et investir ensemble sur l’innovation. C’est une bonne alternative au développement interne qui peut s’avérer coûteux.
Q: L’innovation ouverte et la collaboration avec des startups sont-elles la solution pour toutes les PME ?
R: Ce n’est peut-être pas la solution à tous les problèmes, mais c’est certainement une approche à considérer sérieusement. Cela demande du temps et de l’apprentissage, et il est important de trouver les bons accompagnateurs. Cette approche peut bousculer la culture d’entreprise, ce qui peut être positif en accélérant certains projets. Cependant, il ne faut pas négliger l’aspect psychologique, surtout lors de l’intégration de technologies comme l’IA. Il est crucial de rassurer les employés et de les impliquer dans le processus d’intégration. L’innovation doit se faire progressivement, en collaboration avec les équipes, pour surmonter les réticences internes et accélérer la transformation.
L’innovation est essentielle pour rester compétitif, proposer de nouvelles offres et mieux répondre aux demandes des clients. Dans un monde en constante évolution, les entreprises doivent explorer diverses options pour innover. Parmi celles-ci, la collaboration avec des startups se révèle être l’approche la plus agile, la moins coûteuse et la moins risquée. Catherine recommande aux PME de travailler avec un partenaire pour mieux sélectionner les startups et suivre efficacement leurs activités d’innovation. En adoptant cette démarche, les entreprises peuvent non seulement dynamiser leur croissance, mais aussi s’assurer qu’elles répondent aux attentes croissantes de leurs clients tout en s’adaptant aux nouvelles tendances du marché.